C’est en 1708 qu’est mentionnée pour la première fois en Angleterre l’existence d’une race de lapin blanc à poils longs dite de Turquie. La qualité du poil de ces lapins est fortement appréciée par les britanniques qui interdisent rapidement l’exportation de ces lapins vivants pour en conserver le monopole de production. Malgré ces précautions, les lapins angoras sont introduits en France, à Bordeaux, dès 1723, par des marins anglais qui, pour éviter tout ennui, prétendent les importer d’Asie Mineure, de la province d’Angora (Ankara).
L’élevage de lapins s’établit ainsi en France dès la fin du 18ème siècle, se développant réellement à partir de la seconde moitié du 19ème siècle. En 1800, le Dictionnaire Universel d’Histoire Naturelle de Valmont-Bomare fait allusion au lapin d’Angora, décrivant un pelage pouvant atteindre 2 à 3 pouces de longueur (6 à 8 cm), ondoyant et frisé, feutrant facilement au moment des mues. L’ouvrage vante les qualités textiles de cette fibre nouvelle qui, jointe à la soie, habillera dès lors la haute société napoléonienne.
La variété de lapin angora la plus ancienne, apparue en Savoie puis détectée dans le Jura et en Bourgogne, est celle dite de Saint-Innocent, du nom d’une localité proche d’Aix-Les-Bains (73). Vers 1890, C. de Lamarche, dans son ouvrage L’Élevage du Lapin, le Lapin Angora , évalue la production de « soie d’angora » française à plus de 10 tonnes. Une grande partie de ce poil est alors exportée sans transformation, en raison du fait qu’il n’existe alors en France qu’une seule filature mécanique située à Lons-le-Saunier dans le Jura.
C’est à partir de cette époque que les élevages de lapins angoras se développent, essentiellement dans le Maine-et-Loire et plus largement dans tout le Centre Ouest de la France où ils sont couramment nommés « Lapins soie » ou « Lapins de peigne ». La production de poil angora augmente alors régulièrement : 90 tonnes en 1935, 140 tonnes en 1945 et jusqu’à 200 tonnes en 1962, faisant de la France le leader de la production mondiale.
Au cours des années 1960, émerge cependant à l’étranger la concurrence d’une main d’œuvre moins coûteuse, comme en Chine qui prend rapidement la première place en matière de production. Dans le même temps, les États-Unis, qui absorbaient jusque-là 50 à 75% du poil angora français mettent brusquement fin à leur importation. Le nombre d’exploitations diminue alors régulièrement pour ne compter aujourd’hui qu’une trentaine d’éleveurs sur le sol français dont je fais partie. Aujourd’hui donc, les élevages sont rares mais tenus par des passionnés qui n’hésiteront pas à vous ouvrir leurs portes pour vous permettre de découvrir une technique traditionnelle exigeante et respectueuse des animaux.